mardi 4 novembre 2008

Les Races ? N'existe pas ... !

Je vous parlais dernièrement de certaines races disparues ou inconnue.
Voilà que je retrouve un article qui nous donne l'occasion de méditer sur le sujet ...
Un article paru en février 2004 dans Cheval Magazine rédigé par Jean-François Ballereau ... dont en voici le copié-collé !

Beaucoup croient pouvoir déduire la race d'un cheval de sa seule apparence.



Un modèle grand, fin et vif est forcément un pur-sang !
Une monture de petite taille et quasi blanche ne peut-être qu'un camargue ...
Et les tachetés sont forcément des appaloosas ! Mais, sait-on exactement ce qu'est une race ? Méfions-nous des déductions hâtives.



Si l'on s'en tient à la définition donnée par Liliane Bodson, de l'université de Liège, une race est un " groupe d'animaux appartenant à la même espèce, possédant un certain nombre de caractère communs et pouvant transmettre à leurs descendants ".
Il s'agirait donc d'une sorte de sous-espèce. Mais à quoi sont dus les 'caractères communs ' de ses sujets ?
A l'origine, ces différences avec le reste de l'espèce ont été forgées par les conditions d'existence imposées par un environnement particulier : climat, végétation, géographie ... toutes les caractéristiques de ce qu'on appelle un berceau de race.

L'impact du berceau sur la race est considérable.
Les gras herbages des collines du Perche ont façonné l'imposant percheron.
A l'opposé, la maigre et pauvre végétation des îles Shetland - pays au climat des plus rudes - a forgé le minuscule mais robuste shetland.
Un cheval du Perche emmené sur ces îles aurait bien du mal à y survivre, en ne disposant parfois que d'algues pour toute nourriture. Et un shetland lâché dans une riche prairie du Perche a plus que des chances de se retrouver rapidement fourbu.



On pourrait faire défiler une longue liste de régions ayant forgé une race ou une autre, tels la Frise, le Connemara ou encore la Franche-Comté.
Et la Camargue ? C'est le lieu par excellence où l'on a pris une grande conscience de l'importance du berceau. A l'instar d'une AOC, seuls les chevaux nés dans le delta du Rhône portent ce nom et sont inscrits au stud-book ! Ceux de la même race venus au monde ailleurs doivent se contenter de la dénomination camargues 'hors berceau'.



Voilà qui est simple, clair et net ? Et bien non ! Il ne faut pas se fier aux apparences. Les races demeurées identiques depuis très longtemps, comme le shetland ou l'islandais - protégés par leur insularité -, sont très rares. Car, depuis l'Antiquité, l'homme s'est toujours ingéré dans la reproduction des chevaux, en modifiant par intérêt, à coup de croisement multiples, les "caractères communs transmissibles à la descendance". Et il continue de le faire ...



Les croisements les plus fameux ont été ceux opérés avec des pur-sang arabes - les premiers à avoir été sélectionnés -, qui ont donné leurs caractéristiques à quantité de races actuelles. C'est le cas du haflinger, du percheron et du connemara, trois exemples de modèles toujours produits dans un "berceau". Mais c'est également le cas du peur-sang anglais, que l'on retrouve partout à travers le monde ! Ce cheval "roi des champs de courses" est élevé indifféremment dans les prairies normandes, les blue grass du Kentucky, la pampa argentine ou encore les pâtures australiennes...
Alors, sans berceau, appartient-il malgré tout à une race ?
Si l'on s'en tient à son aspect physique et à ses performances (pour lesquelles il est produit et entretenu), on peut répondre par l'affirmative. Et si cette race est homogène, c'est tout simplement parce que des reproduteurs sont sans cesse vendus et transportés d'un pays, d'un continent à un autre.



Mais il est d'autres types d'interventions de l'homme, dans la reproduction des chevaux, qui peuvent totalement transformer, boulverser ce qu'on appelle couramment une race, et cela en seulement quelques décennies.
Ainsi l'appaloosas que nous connaissons aujourd'hui n'a plus rien à voir avec la race de chevaux créée et élevée par les Indiens Nez-Percés, dans le berceau bien particulier qu'est la vallée de la rivière Palouse.



Pourquoi ?
Parce qu'au début du XXè siècle, les appaloosas avaient pratiquement disparu.
Jusqu'à ce qu'un éleveur blanc s'intéresse à eux. Etant parvenu à se procurer quelques unes des dernières juments tachetées, il les fit couvrir par un ... étalon arabe. Nous revoilà dans les croisements,c'est à dire des modifications des "caractères communs transmissibles à la descendance". Et la suppression - ou l'oubli - de l'importance du berceau, puisque, très rapidement, on a élevé des chevaux tachetés un peu partout aux Etats-Unis.
A l'ouverture du stud-book de la race, chaque sujet enregistré devait répondre à un certain nombre de critères ( blanc de l'oeil visible, sabots striés de noir et de blanc, crin rare, etc...) Des critères qui ont finalement dû être ignorés, car de nouveaux croisements - particulièrement avec des quarter horses donnant une puissante arrière-main - ont encore fortement modifié ce qui n'a plus rien à voir avec une race stable ...



Venons-en maintenant aux "races" qu'on pourrait qualifier de "fantômes"; celles des chevaux de couleur. Le seul caractère commun aux sujets de race pinto, par exemple, est la couleur de leur robe, marquée de larges taches. Mais il es dû à un phénomène génétique et ne se transmet par régulièrement. On a ainsi souvent vu une jument alezane,née de parents appaloosas,enregistrée dans le stud-book de la race parce qu'elle portait une minuscule tache sur la croupe ou l'encolure et parce qu'elle pouvait tout de même produire des poulains tachetés ...



Un seul "caractère commun" et non systématiquement transmissible ; nous voilà un peu à côté du concept de race énoncé plus haut ! Et il inutile de parler de la "race" palomino, que certains Américains tentent de fixer depuis des décennies, en ne parvenant à faire naître que très occasionnellement un sujet à la robe dorée ...
Restent les races "décidées" par la volonté de l'homme, mais n'existant que sur le papier,tels le selle français ou le poney des Amériques, pour ne citer que celles-là. Les sujets de ces races n'ont bien souvent entre eux que peu ou pas du tout de 'caractères communs'.



Après cela, on peut se dire que les seules vraies races, selon la définition de Liliane Bodson, sont celles vivant dans un berceau précis, tel que le Perche, l'Andalousie ou la Camargue. A voir !

Au cours du temps, bien des sangs différents ont été introduits dans ces régions.
Et rien ne permet d'affirmer que cela ne se reproduira pas. Même si ce n'était pas le cas, les activités humaines ne cessent de modifier les écosystèmes - pollution, déforestation,cultures ... - obligeant les chevaux à s'adapter, à évoluer, comme l'espèce n'a cessé de le faire, d'eohippus à equus caballus.



Une race n'est donc rien moins que fugace, sinon inexistante. Et le mot lui-même est encore trop trompeur, trop vague, et donc trop vide.

L.Ollivier, généticien à l'INRA, l'a défini ainsi : "Une race est une population infiniment nombreuse, non sélectionnée, fermée à tout apport extérieur, et où les unions se font au hasard", écrit-il, avant de préciser : " Une population satisfaisant à ces conditions est une race "idéale", car ces conditions ne sont presque jamais toutes remplies".

Nous y voil bien : une race, ça n'existe pas !
Qu'ajouter ?
Ah! Si! Que pour notre bonheur, avec ou sans races définissables,....
Les chevaux existent bien ...
Et sont magiques .... !